L’orgue peut rendre la grandeur des choses que l’on ne dit pas et donner à l’assemblée l’envie de chanter, nous rappelle Andrea l’organiste titulaire de Ste-Croix. L’instrument est solennel ou discret. Il est enveloppant. A Carouge on entend bien à la fois l’orgue et l’assemblée. L’orgue Il ne doit pas dominer l’assemblée. L’acoustique donne une grande profondeur à l’instrument. Elle est toutefois meilleure quand l’église est pleine. L’orgue de notre église date de 1837 et a été rénové en 2010.
Né à Milan Andrea y a fait ses études d’orgue avant de les poursuivre à Bergame, puis à Genève en 1996 pour se perfectionner au Conservatoire supérieur de musique. Depuis le 1er avril 2016, il tient l’orgue de la paroisse. L’organiste est un acteur liturgique. C’est une responsabilité. S’il n’accompagne pas le chant de l’assemblée, il aime improviser pendant l’offertoire ou la communion plutôt que jouer une pièce composée, dont la durée ne serait pas ajustée. Il apprécie aussi la messe grégorienne qu’anime Sabine un samedi par mois. Andrea instruit en outre des élèves en piano, harmonie et solfège. Chaque jour il est nécessaire de jouer 4 à 5 heures, pour mettre en pratique les études. Et aussi pour préparer les concerts, par exemple à la cathédrale St-Pierre, dont il connaît bien l’orgue.
JDF
Photo : Andrea Boniforti
Plusieurs facteurs se sont penchés au chevet de l'orgue de Carouge. Sa construction débute en 1832, quelques années après les travaux liés à l'agrandissement de l'église (1824-1826) dirigés par l'architecte italien Luigi Bagutti. Celui-ci se charge du dessin du buffet de l'orgue, aujourd'hui classé aux monuments historiques. Commandé à l'initiative du curé Gaspard Greffier qui est alors en charge de la paroisse de Sainte-Croix, la construction de l'instrument est confiée à un facteur savoyard nommé Jean Baud qui présente un premier devis basé sur les plans de l'architecte.
La première convention entre le facteur et la paroisse prévoit un délai de réalisation de 10 mois et 15 registres. Mais on sait qu'aucun de ces engagements n'est respecté puisqu'il n'entre en fonction qu'en 1839, soit 7 ans plus tard et compte 25 jeux sur un seul clavier, majorant en conséquence de 6 fois le prix prévu initialement.
Après quelques années de services pendant lesquelles se distingue le premier organiste titulaire Benoît Delphin, connu pour faire résonner l'église de transcriptions d'opéras, une première restauration intervient en 1872 sous la direction du facteur Joseph Merklin. Le contexte de querelles religieuses entre catholiques romains, qui ont commandé la restauration, et catholiques nationaux, qui utilisent désormais l'église et l'orgue après confiscation, donne lieu à un très long procès engagé par Merklin pour obtenir le paiement des travaux déjà entrepris. La question de droit importante qui est alors posée est la suivante : L'orgue est-il un bien mobilier, en ce cas saisissable pour paiement des sommes dues, ou alors un bien immobilier et partie intégrante de l'église ? Curieusement, malgré cette restauration qui était censée porter le nombre de claviers à deux et augmenter le nombre de registres, on constate qu'en 1873 l'instrument n'en compte plus que 15.
Puis entre 1924 et 1926 c'est au tour des frères Tschanun d'apporter des modifications à ces orgues. Elles bénéficient désormais de commandes pneumatiques, d'un troisième clavier, d'une soufflerie électrique largement dimensionnée et de 23 registres. La manufacture des grandes orgues de Genève effectue la dernière intervention du XXe siècle en 1975. Elle ajoute un positif de style néo-baroque, placé en fenêtre à l'emplacement de l'actuelle console.
En 2008 la maison Kuhn (Männedorf – ZH) est chargée de la plus grosse et ambitieuse intervention de rénovation sur l'orgue de Carouge. L'instrument est entièrement démonté pour être nettoyé en atelier. Le plan d'approvisionnement en air des tuyaux est entièrement repensé, on fabrique des registres supplémentaires pour compléter et unifier son style et sa palette sonore et en faire un instrument symphonique français à trois claviers et 33 registres. On trouve désormais la console « en fenêtre », là où la manufacture de Genève avait installé le positif (IIe clavier). Ce dernier a été ingénieusement réintégré à l'intérieur du buffet derrière le grand orgue (Ier clavier) et sous le récit (IIIe clavier). La place utilisée par chaque tuyau est calculée au plus juste, et la conception générale très habile pour faire entrer les 33 registres dans un espace relativement compté en raison du buffet historique à respecter. La traction des claviers est reconstruite à neuf et à nouveau mécanique, le tirage des registres est électrique et accouplé à un système de combinateur très performant (11 x 1000 combinaisons). On inaugure l'orgue reconstruit en 2010.
Une notice de Quentin Kozuchowski, ancien organiste titulaire
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Lien vers la Maison Kuhn : www.orgelbau.ch